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DIALOGUE AVEC PHILIPPE LIORET

Pour sa seconde rencontre cinéma de la saison, Horschamp France convie le cinéaste Philippe Lioret autour de son premier film Tombés du ciel le mardi 29 octobre à 20h au Majestic Passy.

C’est en technicien que Philippe Lioret se fraye un chemin vers la réalisation. Il participe à ses premiers tournages comme preneur de son. Un parcours qui lui permet de développer son goût pour un cinéma tourné vers le réel, vers la société, visant la vraisemblance sociale, la représentation vérace de destins singuliers. « Preneur de son, dit-il, c’est la place de choix. Je fermais les yeux, et je me demandais : « T’y crois, t’y crois pas ? » ». De preneur de son, Philippe Lioret devient assistant, puis ingénieur du son, notamment sur les tournages de Y a-t-il un français dans la salle (1982) de Jean-Pierre Mocky, Beyond Therapy (1987) de Robert Altman, La Lectrice (1988) de Michel Deville, ou encore Nord de Xavier Beauvois (1992). C’est en observant des réalisateurs chevronnés et à même l’expérience des tournages que Philippe Lioret apprend les ficelles de la réalisation.


En 1993, il passe de l’observation à l’action en réalisant son premier long-métrage Tombés du ciel. Le scénario est inspiré de la véritable histoire du réfugié iranien Merhan Karimi Nasser, qui est resté de 1988 à 2006 dans l’aéroport de Roissy, sans aucun titre de séjour pour lui permettre d’en sortir dont Spielberg s'inspirera lui aussi pour son film Le Terminal (2004). Lioret s’approprie l’absurdité, le burlesque de cette situation pour faire jouer à Jean Rochefort le rôle d’Arturo Conti, un canadien à qui l’on a dérobé ses papiers et son argent à l’aéroport de Montréal, juste avant son embarcation pour Paris. Arrivé à Roissy-Charles De Gaulle, Arturo ne peut prouver son identité et se trouve bloqué en zone de transit, voué à errer dans l’aéroport de Roissy tant que l’administration canadienne ne résout pas son problème. Cette errance forcée dans l’aéroport est l’occasion d’improbables rencontres, drôles et touchantes. Lorsqu’on considère rétrospectivement la filmographie de Philippe Lioret, on constate que ce premier long-métrage contient en germe le ton et les thèmes qu’il développera dans ses films suivants : le comique de situation, qu’on retrouvera dans son deuxième film Tenue correcte exigée (1996), mais aussi l’apparente légèreté sous laquelle se cache une sincérité poignante. Comme des tiroirs à double fonds, les films de Philippe Lioret sécrètent une profondeur qui ne se donne pas d’emblée. Son cinéma restera également habité de personnages en partance, de déracinés : l’exemple le plus évident est Welcome (2009), film sur les migrants de la jungle de Calais, mais on trouve aussi cela dans Le Fils de Jean (2016) avec le personnage de Mathieu, qui se découvre une famille paternelle jusque là inconnue, en se rendant au Canada pour l’enterrement de son père.


En 2006, Je vais bien ne t’en fais pas avec Mélanie Laurent et Kad Merad fait succès à Cannes : ses acteurs sont largement récompensés avec un césar du meilleur espoir féminin pour Mélanie Laurent et césar du meilleur acteur dans un second rôle pour Kad Merad. Avec ce drame familial à la fois bouleversant et plein de retenue, la filmographie de Philippe Lioret s’oriente désormais vers un registre plus dramatique. Le succès du film est immense, Lioret est consacré.


Bouleversé par la lecture du roman D’autres vies que la mienne (2009) d’Emmanuel Carrère, Philippe Lioret rencontre l'auteur. Ensemble ils envisagent la possibilité d’une adaptation, mais la trame narrative du roman est inadaptable en tant que telle sous la forme d’un scénario cinématographique. Entre temps, Philippe Lioret voyage pour le tournage de son film Welcome. Mais le dépaysement et les préoccupations du tournage ne parviennent pas à lui ôter de l’esprit le souvenir du roman d’Emmanuel Carrère. Tandis que l’idée d’une adaptation persiste, le temps qui s’est écoulé depuis la première lecture du roman a permis au souvenir de l’histoire de se changer en lui : l’intrigue du roman lui revient en mémoire sous une forme essentielle, épurée, débarrassée de tout ce qui lui était contingent. L’oubli se révèle parfois fécond puisque de romanesque qu’elle était, l’intrigue de D’autres vies que la mienne devient ainsi adaptable au cinéma. « Emmanuel m’a mis les cartes en main et m’as demandé de le trahir » raconte Philippe Lioret. Toutes nos envies (2010) reprend donc au roman de Carrère sa force dramatique, sa capacité à nous bouleverser d’émotions. Ce goût pour l’adaptation est révélateur du cinéma de Philippe Lioret : un cinéma qui raconte des histoires et ne montre pas ses propres moyens. Il assume ce qu’André Bazin nomme l’impureté, c’est-à-dire l’emprunt que fait le cinéma aux autres arts, et notamment au genre littéraire du roman. Ainsi, Je vais bien ne t’en fais pas (2006) est adapté du roman éponyme d’Olivier Adam, Le Fils de Jean (2016) est inspiré du roman Si ce livre pouvait me rapprocher de toi de Jean-Paul Dubois. D’une façon plus discrète, L’Equipier (2003) emprunte également au roman : le scénario se déploie autour d’une histoire de famille narrée dans un roman que découvre par hasard Camille (jouée par Sandrine Bonnaire), dans sa maison d’enfance qu’elle s’apprête à vendre.


La première attache de Philippe Lioret, ce sont les histoires, les histoires de familles, les histoires intimes, les histoires littéraires, les histoires de cinéma… Le personnage pour principal moteur, l’auteur et réalisateur parcourt le temps, l’émotion et les liens humains à travers une filmographie aujourd’hui riche de huit long-métrages. Ce mardi 29 octobre, Philippe Lioret répondra aux questions Horschamp – Rencontres de Cinéma et de son public, à l’occasion de la projection de son premier film. Il reviendra sur ses débuts, son apprentissage, ses influences et son parcours.




 

29 octobre 2019 à 20h au Majestic Passy

TOMBÉS DU CIEL suivi d’une discussion avec Philippe Lioret

animée par Léolo Victor-Pujebet et Mathieu Morel

5€ POUR LES PORTEURS DE CARTES UGC ILLIMITÉ

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