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MARKER, L'EXPÉRIENCE

Chris Marker se définissait lui-même comme un artisan, un bidouilleur, un bricoleur ou un horloger. Un homme de main, au premier sens du terme. Un fabriquant filmique, construisant pièce par pièce des rêves aux formes étranges et multiples. C’est cette conception propre de lui-même et de son travail qui confère aujourd’hui à Chris Marker une filmographie aussi vaste qu’éclectique, une aura surréaliste et un talent mystique. L’allégorie et l’évocation d’un personnage omniscient de comic-books galactique, en somme ; une existence quasi-mythologique. En témoignent sa discrétion médiatique et le poids dantesque de chacun de ses mots, si rares soient-ils. En témoigne aussi son chat Guillaume, dessin cartoonesque et porte-parole de son maitre. Et pour finir, sa volonté de fuir peu à peu le réel, jusqu’à s’enfoncer dans les méandres de Second Life, un programme de réalité virtuelle dans lequel Marker aurait souhaité prendre sa retraite et à travers lequel il livrait en 2008 l’une de ses dernières et rares interviews, pour les Inrockuptibles. Un entretien dans lequel Chris Marker livrait pour seul conseil à qui souhaiterait découvrir son œuvre de « lire L’Invention de Morel et d’aller au cinéma. Au hasard, en oubliant tout ce qu’on lui a dit de voir ».


Officiant et apprenant d’abord à maitriser son art auprès d’autres fabriquants-magiciens tels que Georges Franju, Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Jacques Demy ou Alain Resnais, Marker s’épanouira plutôt dans la solitude et se détachera finalement de toute accroche, à l’image de ses films, s’envolant dans de hautes sphères cosmiques, informes ou éthérées.




Succession d’images répondant aux problèmes et aux enjeux cinématographiques, non seulement de leur époque, mais des suivantes, l’œuvre de Chris Marker, malicieuse, solitaire et envoutante, n’aura de cesse que de s’étendre et de s’approprier des techniques et des astuces inventives et singulières, construisant peu à peu un tableau poétique aux relents acerbes d’engagement et de militantisme.


« Il ne faut jamais me prêter trop d’intentions » disait celui qui ne souhaitait pas être considéré comme un cinéaste. Trop tard, lui répondrait-on, sûrement à son grand dam. L’œuvre Marker, comme objet cinématographique intemporel, est encensée, décortiquée, disséquée et expérimentée aujourd’hui avec une rare vigueur et toute l’avidité qu’une filmographique peut attirer de la part d’une nouvelle génération de cinéastes et de cinéphilies, la plus importante des postérités.


Cette année, c’est un vaste hommage que rendent les institutions et le monde cinéphile à la Planète Chris Marker. Le 50ème anniversaire de Mai 68 sera l’occasion de redécouvrir et de discuter l’œuvre du façonnier, dans diverses institutions, galeries, universités et institutions. Regards 9 lance un appel à création, à l’intention des moins de trente ans désireux de rendre hommage ou d’emboiter le pas de Chris Marker. Arte éditions proposera pour la première fois en DVD l’intégral de ; l’Héritage de la Chouette. Projet de documentaire en 13 épisodes où Marker questionnait l’impact de la Grèce Antique sur notre époque contemporaine. La chaine diffusera également un mini-cycle rétrospectif.


Enfin, la Cinémathèque Française, en plus d’une rétrospective intégrale de l’ouvrage colossal de Marker, exposera son travail de recherches formelles et artistiques, en co-production avec Bozar (le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles) à travers un voyage de découvertes et de passions créatrices. L’exposition « Chris Marker, les 7 vies d’un cinéaste » se tiendra jusqu’au 29 juillet, en partenariat avec Horschamp - Rencontres de Cinéma.




Durant la rétrospective, plusieurs rencontres auront lieu entre les murs de la Cinémathèque Française.


Samedi 05 mai à 14h30 : Projection de Sans Soleil, suivie d’une Table Ronde avec Christine Van Assche, Raymond Bellour et Jean-Michel Frodon. Animée par Bertrand Benoliel et Florence Tissot.


Lundi 07 mai à 19h : L’actrice Catherine Belkhodja présentera le film Level Five, dans lequel elle tient le rôle principal. La séance sera suivie d’une discussion avec l’écrivain Raymond Bellour.


Jeudi 10 mai à 19h : Conférence « Qui êtes-vous… Chris Marker ? » par Bamchade Pourvali, docteur en cinéma.


Lundi 14 mai à 19h : Séance spéciale Alain Resnais avec la projection de ; Les Statues Meurent Aussi, co-réalisation Resnais-Marker. Suivie du film Toute la Mémoire du Monde d’Alain Resnais dans lequel Chris Marker officiait en tant qu’assistant. Une soirée introduite par Christine Van Assche, historienne de l’art.


Lundi 21 mai à 20h : Les réalisateurs Arnaud Lambert et Jean-Marie Barbe présenteront leur film Chris Marker, Never Explain, Never Complain.


Jeudi 24 mai à 19h30 : projection de ; Le Souvenir d’Un Avenir de Yannick Bellon et Chris Marker, suivie d’une discussion avec Jean-Michel Frodon, historien du cinéma.


Samedi 26 mai : On vous parle de Prague : le deuxième procès d’Artur London, suivi de Mémoires pour Simone. Séance suivie d’une discussion avec Costa Gavras, cinéaste et président de la Cinémathèque Française.


D’un mécanisme extraordinairement habile et tout à la fois prodigieux et mystérieux, Chris Marker, avec le talent et les techniques éthérés d’un alchimiste, semble être parvenu à placer son œil (ou celui de Guillaume) au cœur de chacun de ses films. Ce savant procédé ayant pour but de continuer à nous observer. Avec le temps, Marker aura également eu l’opportunité d’apposer son organe de vision et toutes ses composantes à travers l’internet et la réalité virtuelle. La curiosité pour seul et unique moteur. Toujours, comme il ne se privait pas de le confier. Quoi que nous fassions, quoi que nous pensions, c’est comme si Chris Marker, ses symboles, sa grâce et son œil de poète habitaient chaque technologie audiovisuelle, et jusqu’aux arts numériques, afin de nous épier pour se rire de tout un chacun et lorgner en silence, comme un voyeur, l’existence humaine.


Le meilleur moyen de continuer à faire vivre Chris Marker et d’étancher son insatiable soif de curiosité, c’est de continuer à se rendre en salle pour faire s’animer ses objets, et non pas poser un œil sur son travail, mais le laisser lui, poser son regard sur nous.

 

CHRIS MARKER, LES 7 VIES D'UN CINÉASTE

DU 3 MAI AU 29 JUILLET 2018

LA CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

Infos et réservations : www.cinematheque.fr/

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