André Øvredal "le secret d’un bon film d’horreur se cache dans son pouvoir de suggestion"
"Je puise mes inspirations dans le réel"
Tommy, le croque-mort d'une petite ville, reçoit le corps d'une belle jeune femme non identifiée. La victime ne présente aucune trace suspecte et la cause de la mort est indéterminée… Assisté de son fils, Tommy va devoir faire face à l’autopsie la plus terrifiante de son existence. Rencontre avec le réalisateur de "The Autopsy of Jane Doe", André Øvredal. Chef d'oeuvre du genre, qui ne vous laissera pas reposer en paix.
Votre histoire fait immédiatement penser à l’univers de Lovecraft…
Si vous voulez tout savoir, je ne connais pas vraiment bien Lovecraft. Effectivement, l’univers que je crée dans « The Autopsy of Jane Doe » est tout à fait tiré de cet imaginaire, mais ce n’est pas le moteur de mes inspirations.
Quelles on été vos références pour ce film ?
Lorsque je réalise un film, j’essaye de n’avoir comme référence que la réalité. C’est de la réalité que naissent les histoires et les émotions, donc c’est de celle-ci qu’il faut s’inspirer en écrivant ou en mettant en scène une histoire. Après, effectivement, lorsque que vous vendez un film à un producteur, il faut savoir lui citer des films qui vous inspirent. Il y a toujours cette question : « A quoi va ressembler ton film », et c’est la qu’on doit sortir les classiques. Mais en réalité, je ne travaille pas comme ça, je puise mes inspirations dans le réel, avant de le transformer en exorcisant sa part fantastique et immatérielle. Je n’ai pas besoin d’avoir un film en tête pour savoir ou placer ma caméra, et pas besoin de copier d’autres metteurs en scène. Ce vont plus être des démarches qui vont m’attirer, comme celle d’Hitchcock a instamment chercher la perfection, par exemple.
"A chaque élément surnaturel son histoire"
Comment introduit-on le fantastique dans la réel ?
Pour moi, la chose la plus importante dans la création d’un film, c’est le spectateur. Comment allons-nous lui faire croire à tout ça ? Quels procédés allons-nous utiliser pour rendre crédibles les situations les moins crédibles qui puissent exister ? Ce sont les choix qui doivent êtres réalistes, pas l’histoire en elle-même. Je pense aussi qu’il ne doit pas y avoir plus d’un élément surnaturel dans une histoire. Cela suffit, il faut avoir le temps de l’exploiter entièrement. On ne fait pas croire à une sorcière ou un troll en dix minutes. A chaque élément surnaturel son histoire. Dans mon premier film « Troll Hunter » c’est exactement ce que j’ai fais : il y a d’un côté les trolls, de l’autre les chasseurs. Rien de plus. Et pour Jane Doe, il y a un élément étrange que l’on va développer tout au long du film en huis clos.
Votre premier film « Troll Hunter », utilise la technique du fond footage visant à offrir une certaine subjectivité au spectateur, consistant à présenter une partie ou la totalité d'un film comme étant un enregistrement vidéo authentique, la plupart du temps filmé par les protagonistes de l’histoire. Dans votre second film, « The autopsie of Jane Doo », le langage utilisé est totalement différent. Fixe, fluide, omniscient.
A chaque histoire son langage. Pour « Troll Hunter », la meilleure solution qui s’offrait à moi pour faire croire à tout cela, c’était le found footage. Rien de mieux qu’un faux reportage pour donner une impression de réel. Si REC, le projet Blair Witch et Paranormal Activity n’utilisaient pas cette technique, le film ne serait pas du tout le même. Les émotions non plus. Le choix de personnifier le sujet filmant a un impact considérable sur la perception de l’histoire. Pour « Jane Doe », j’ai choisi un filmage plus classique et conventionnel, avec une grammaire précise et codifiée propre au genre, pour susciter la peur d’une autre façon. L’omniscience du point de vue change la donne. Le spectateur ne peut pas interagir avec les personnages, ils sont seuls dans leur pétrin.
"Envoyer ses films en festival signifie faire
découvrir son film à un public"
Comment suscite-t-on la peur ?
Tout est question de suspens. La peur est le fruit du suspens. Beaucoup de cinéastes tentent simplement de faire peur en ajoutant de gros bruits de coupe au montage et en sur-maquillant leurs méchants. Mais le secret d’un bon film d’horreur se cache dans son pouvoir de suggestion et donc par le suspens. Suspens peut-être synonyme de hors champ, de silence, de pénurie visuelle… Ce qui fait peur avant toute chose, c’est ce que l’on ne voit pas.
Pourquoi faites-vous du cinéma ?
Pour raconter des histoires, tout simplement. C’est un besoin, une envie impossible à contrôler.
Si vous deviez donner un conseil à un jeune cinéaste.
Il faut tout simplement tourner. Encore et encore. Et se donner des contraintes de temps. Dix minutes maximum. Pas moins, pas plus. Essayer de faire tenir une intrigue, du suspens, une histoire et des personnages avec un soupçon d’émotion sur dix minutes. Et ensuite, envoyer le tout en festival. Et j’insiste sur ce point. Envoyer ses films en festival signifie faire découvrir son film à un public. Et c’est ainsi que vous allez commencer à vous faire un nom, à vous faire repérer par des producteurs et peut-être un jour tourner votre premier long-métrage.