Masterclass - André Techiné - VF
Dimanche 16 janvier 2011 à 15h30, Rencontre avec André Techiné au Forum des Images. L’homme qui aime les actrices. Définition possible, parmi plusieurs autres, d’un cinéaste que son parcours situe dans la continuité de la Nouvelle Vague. La première critique qu’il signe pour Les Cahiers du Cinéma porte d’ailleurs sur La Peau douce de François Truffaut, c’était en 1964, André Téchiné avait 21 ans et venait de débarquer à Paris, en provenance de son Tarn-et-Garonne natal. Cinq ans plus tard, il réalise Paulina s’en va, avec Bulle Ogier, le film est remarqué à la Mostra de Venise mais ne connaîtra une distribution dans les salles qu’en 1975, six mois avant son deuxième film, Souvenirs d’en France, où résonne le rire de Marie-France Pisier. Isabelle Adjani vient ensuite, associée à Gérard Depardieu, dans Barocco (1976), puis aux côtés d’Isabelle Huppert et de Marie-France Pisier pour Les Soeurs Brontë (1979). Hôtel des Amériques, avec Patrick Dewaere, marque sa rencontre avec Catherine Deneuve, qu’il retrouvera par la suite à de nombreuses reprises, avant que Rendez-vous (1985) ne révèle Juliette Binoche.
Un des rares cinéastes français de sa génération à avoir su maintenir le cap qu’il s’est donné sans déroger aux principes acquis par une pratique cinéphilique jamais démentie, André Techiné a su conserver le goût d’expérimenter, livrant ainsi des films aussi risqués a priori que Les Roseaux sauvages (1994), une de ses plus belles réussites, ou Loin (2001), qui dessinent le portrait d’êtres en mouvement et le tableau d’une société en mutation. Il exprime cette même ambition à travers des productions plus solides en apparence, comme Les temps qui changent (2004), avec Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, Les Témoins (2007), évocation audacieuse des années Sida, et La Fille du RER (2009), inspiré d’un fait-divers récent. Il vient de porter à l’écran le roman de Philippe Djian Impardonnables, avec Mélanie Thierry, Carole Bouquet et André Dussollier. André Téchiné incarne la permanence d’une certaine idée du cinéma, qu’il sert avec éclat depuis plus de quarante ans.
André Téchiné passe une grande partie de son adolescence provinciale à hanter les salles de cinéma. Il écrit ses premiers articles dans un journal lycéen, La Plume et l'écran. Monté à Paris à 20 ans, il échoue au concours d'entrée à l'IDHEC, mais intègre la rédaction des Cahiers du Cinéma -sa première critique porte sur La Peau douce de Truffaut. En 1965, il tourne son premier court métrage, Les Oiseaux anglais. Passionné de théâtre, il fréquente la bande de Marc'O, travaillant comme assistant sur le film-culte Les Idoles en 1967.
André Téchiné choisit tout naturellement l'égérie Bulle Ogier pour être l'héroïne de son premier long métrage, Paulina s'en va. Présentée à Venise en 1969, cette oeuvre onirique déconcerte les spectateurs lors de sa sortie en salles... six ans plus tard. De facture plus classique, son deuxième opus Souvenirs d'en France (1975) avec Jeanne Moreau, reçoit en revanche un accueil chaleureux, tout comme, un an plus tard, Barocco, polar à l'esthétique expressionniste qui réunit les stars Adjani et Depardieu. Il peut alors s'atteler à un projet qui lui est cher, Les Soeurs Bronte. Mais malgré un gros budget et un casting prestigieux -avec le débutant Pascal Greggory-, cet austère film d'époque ne convainc guère.
Sorti en 1981, le mélancolique Hôtel des Ameriques marque un tournant dans la carrière de Téchiné, qui ancre désormais son goût du romanesque dans un univers plus réaliste. Il dirige aussi pour la première fois Catherine Deneuve, sa comédienne-fétiche, à qui il offrira de beaux personnages de femmes à la fois volontaires et vulnérables (Le Lieu du crime). Après un détour par la télévision (La Matiouette), il revient au premier plan en 1985 grâce à Rendez-vous (Prix de la mise en scène à Cannes), récit initiatique qui révèle une frémissante Juliette Binoche. Après J'embrasse pas, nouveau portrait d'un jeune provincial tourmenté, il décroche l'un de ses plus grands succès critiques et publics avec Ma saison préférée, présenté sur la Croisette en 1993.
Avec Les Roseaux sauvages, une commande d'Arte en 1994, un vent de liberté souffle sur le cinéma de Téchiné, qui livre une oeuvre limpide et sensuelle sur son adolescence, baignée par la lumière du sud-ouest. Fidèle à certaines thématiques (les liens familiaux, l'homosexualité, l'exil), Téchiné est partagé entre la volonté d'échafauder des récits complexes (le film-puzzle Les Voleurs en 1996) et une recherche d'authenticité (Loin, touné en DV au au Maroc). Découvreur de talents (Elodie Bouchez, Lubna Azabal), il fait aussi tourner de grandes pointures : le couple mythique Deneuve-Depardieu (Les Temps qui changent, 2004) ou Emmanuelle Béart, qui traverse la France occupée dans Les Egarés. Cette touche glamour ne l'empêche pas d''aborder des sujets de société délicats : après Les Témoins, oeuvre polyphonique sur les années sida (2007), il s'inspire d'un fait divers retentissant (l'agression imaginaire d'une jeune femme) dans La Fille du RER en 2009. Vient ensuite Impardonnables en 2011, un drame oppressant où la fille d'un écrivain en panne d'inspiration disparaît soudainement.